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La ville en détresse?


Le déclin économique d’une ville est souvent la principale cause de la fermeture d’importants pôles industriels et commerciaux. Ce phénomène entraîne l’exode des habitants qui migrent vers des secteurs plus prospères. La décroissance urbaine qui en découle laisse derrière elle des immeubles, des commerces et de nombreux entrepôts vides ainsi que des industries et des usines désaffectées qui se dégradent progressivement à travers le temps. Tout cela sans oublier les gens qui y demeurent malgré leur volonté; ils sont en quelque sorte piégés, isolés. Ce qu’il en reste : l’image d’une ville sinistrée et désertée. Cette désurbanisation est soudaine et souvent subie. La ville de Détroit, capitale déchue de l’automobile, représente bien cette situation. À maintes reprises, cette ville mono-industrielle a souffert de crises économiques majeures. Elle est aujourd’hui devenue une ville déroutée, laissée à l’abandon. On y retrouve un nombre incalculable d’édifices et d’immeubles placardés et laissés en déshérence. Cette problématique, poussée à l’extrême dans ce cas-ci, touche plusieurs villes mono-industrielles, et ce, partout à travers le monde. Ces dernières font face à des urgences de conversion. En tant que designer urbain, quelles solutions peuvent être envisagées? Doit-on repenser la ville, son économie, son identité ? 


Les biens urbains abandonnés entachent plusieurs de nos grandes villes. Ce sont souvent des quartiers complets qui deviennent des friches industrielles très peu fréquentées. Laissés à eux-mêmes, ces secteurs délabrés sont parfois une source de pollution qui est nuisible tant pour l’environnement visuel que physique. Les facteurs de décroissance urbaine sont nombreux : épuisement des ressources naturelles, isolement, catastrophes naturelles ou nucléaires, désindustrialisation, émigration, vieillissement de la population, faible taux de natalité, etc. Les conséquences qui en découlent sont tout aussi nombreuses. Emmanuelle Anizon, dans un article sur Détroit, soulève les questions qui se posent face à ce type d’évolution : « Comment gérer une ville qui rétrécit ? Comment stabiliser la population ? Comment réinventer, redensifier, redessiner des infrastructures désormais surdimensionnées ? Comment reconnecter entre eux des gens éparpillés, isolés ? Comment sécuriser les bâtiments vides ? En les rasant ? Mais que faire alors des terrains vagues ? Comment même organiser des espaces cohérents alors que les parcelles vides appartiennent à des propriétaires différents, souvent partis, pas toujours identifiés ? » (Anizon, 2010)


Il est clair que ces nombreux vestiges industriels demeurent chez les habitants la marque visible, douloureuse et omniprésente d’un déclin. Souvent ces endroits abandonnés deviennent des squats, des lieux dangereux où règnent criminalité, pauvreté, pollution, aliénation sociale.  Bref, des endroits que l’on veut éviter à tout prix! Comment sécuriser ces quartiers affectés? Comment venir en aide aux gens qui y restent soit par choix, valeur sentimentale ou par non-choix, moyen financier. Les résidents ne perdent pas espoir; ils s’accrochent à ce qu’il leur reste: « Je resterai jusqu'au jugement dernier... j'aimerais tant que les gens reviennent », déclare Anny, une ex-cadre de General Motors, afro-américaine. D’un autre côté, ces délaissés sont parfois et même souvent  significatifs pour le paysage ainsi que pour la mémoire collective. Pourquoi les détruire? Ils laissent derrière eux un patrimoine en ruine, mais riche en possibilités et c’est ce qui inspire de nombreux photographes, journalistes, architectes et urbanistes. À Détroit, il est particulièrement facile de trouver des ruines monumentales qui témoignent de la grandeur du passé. Par exemple, la somptueuse gare, les nombreux théâtres aux ors encore visibles, les immeubles et les usines aux vitres de dentelles cassées.



Et si on assumait cette décroissance urbaine comme étant une opportunité pour inventer un urbanisme plus écologique?  On inverse la vapeur; plutôt que de penser à la ville en expansion, on réfléchit sur comment on doit agir pour éviter ou cesser le problème du retrait urbain. On réinvente la ville. Bien que chaque cas soit différent, les possibilités, les idées, les solutions et les hypothèses ne manquent pas à l’appel : recyclage de bâtiments, transformation d’autoroutes, transformation de sites abandonnés en attraction touristique, participation des habitants pour relancer une économie, l’art comme outil de transformation. Ce sont tous des moyens d’intervention qui peuvent facilement aider à redonner un second souffle à un quartier paupérisé.


La gestion des infrastructures est l’un des principaux enjeux des villes en décroissance. Il devient difficile, voire même impossible, pour une ville en déclin de continuer à financer  et à entretenir des infrastructures surdimensionnées. Par exemple, les inondations dues à une nappe phréatique insuffisamment pompée qui se sont produites à Berlin démontrent l’un des nombreux problèmes que peut causer le surdimensionnement de réseaux d’aqueduc. Il est donc primordial de repenser le fonctionnement de ces dernières afin qu’elles puissent répondre à la nouvelle démographie.


On peut alors penser que le rétrécissement et la fermeture de certaines parties de la ville pourraient permettre de concentrer les efforts et la gestion des activités afin d’offrir une certaine centralité des services en choisissant, par exemple, des secteurs moins affectés ou des zones plus denses et plus faciles à desservir. Mais cette solution ne fait pas l’unanimité chez les gens qui habitent ces zones sinistrées, car on doit les convaincre de bouger, les dédommager, racheter leur maison à bas prix et les reloger. Le problème est qu’en général, la municipalité n’a pas les moyens de financer la totalité des coûts. Cependant, il existe des moyens pour éviter d’arriver à un tel phénomène ou, du moins, améliorer la situation d’une ville en décroissance. Entre autres, à Portland en Oregon, une limite de croissance urbaine (UGB) freine l’étalement tout en augmentant la densité de la ville. Les terres agricoles et les espaces verts sont alors préservés. La ligne de démarcation englobe la ville et ses banlieues avoisinantes. Cette méthode permet une planification urbaine efficace en maximisant le rendement des investissements dans les infrastructures, en luttant contre la fragmentation urbaine, en améliorant le transport en commun et en encourageant le logement abordable près de l’emploi.


Arrêter l’effet migratoire et attirer une nouvelle population et de nouvelles activités diversifiées constituent d’autres enjeux que l’on doit prendre en considération. Il est évident que les villes qui sont à l’écart des réseaux et des flux globaux font parties des villes en décroissance qui déclineront peut-être un jour. Qu’elles soient de petite, moyenne, ou grosse taille, certaines de ces villes sont destinées à disparaître du maillage urbain. Il est alors primordial de réfléchir sur ces villes souvent mono-industrielles afin de les aider à se reconstruire une nouvelle économie, de nouvelles industries et de nouveaux services. L’article de «La fabrique de la cité» s’est posé sur le sujet : Nombreux sont les architectes et les urbanistes qui voient dans les villes en décroissance de fabuleux territoires expérimentaux pour tester de nouveaux concepts innovants. À Détroit, par exemple, « on transforme les bâtiments en lieux d'art, de culture et de divertissement, les terrains vagues en golfs et en forêts, les autoroutes en pistes cyclables ou en cours d'eau… » (La Netscouade, 2011).  Il est possible, voire impératif, de créer un lien affectif entre l’habitant et sa ville, notamment pour ces zones urbaines qui font face à des urgences de conversions attractives. Ainsi, on peut souhaiter l’apparition ou le retour d’un pôle d’attraction d’une ville active, triomphante, en pleine expansion urbaine.

Des stratégies de régénération urbaine existent et l’Aerotropolis ou «aéroport-ville» en est une. Elle consiste en une planification urbaine dans laquelle les infrastructures et l’économie sont centrées autour d’un aéroport existant. Grâce à cela, la ville développe une certaine réputation qui a pour conséquence d’attirer l’implantation de nouvelles sociétés et entreprises et de faciliter les échanges économique au niveau international. Cette ville devient une destination où les voyageurs et les habitants peuvent vaquer à leurs occupations, et ce, sans aller à plus de 15 minutes de l’aéroport. À Détroit, par exemple, la création de la «Société Aerotropolis développement» a permis le déploiement d’une gamme de services dont des centres commerciaux, des bureaux, des commerces au détail et des hôtels. D’autres villes ont aussi adopté ce modèle dont Songdo, Chongqing, Hyderabad, Memphis et Amsterdam. Ces types d’aéroports offrent une connectivité aux fournisseurs, clients, partenaires et entreprises du monde entier.

Le tourisme et le potentiel récréotouristique d’une ville peuvent devenir des solutions envisageables pour attirer de nouveaux citoyens. Plusieurs personnes sont intéressées à visiter d’anciennes usines, de vieux immeubles abandonnés et même des villes fantômes. Val-Jalbert, ancien village du Lac-Saint-Jean, devenu une ville fantôme est aujourd’hui un site touristique où l’on retrouve des restaurants, des maisons d’époque et une ancienne usine restaurées, un camping ainsi que des sites d’hébergement. Murdochville, quant à elle,  était destinée à devenir une ville fantôme à la suite de l’exode de sa population et de la chute des valeurs immobilières. Toutefois, depuis quelques années, la ville subit de perpétuels changements grâce, entre autres, à l’arrivée des énergies renouvelables et de son grand potentiel récréotouristique. La ville subsiste et redonne espoir aux citoyens.



L’économie d’une ville peut être relancée par les habitants. On parle ici d’une économie de type participative où les citoyens ont une volonté de se prendre en main. Des fondations privées ainsi que des initiatives individuelles versent une certaine somme d’argent qui contribue à réanimer le tissu économique de la région. Par ailleurs, des gens récupèrent des matériaux, d’autres ouvrent des entreprises d’insertion pendant que des artistes prennent en main certains bâtiments et même certaines rues.



Le travail de Lily Yeh, «The Village of Arts and Humanities», démontre à merveille ce procédé. Elle a transformé avec l’aide des habitants du quartier ainsi que des membres du personnel plus de 120 lots de terrains abandonnés situés dans le nord de la Philadelphie en jardins et en parcs d’art. Ils ont également rénové des maisons délaissées, créé des ateliers d’art, des théâtres et des programmes éducatifs. À ce jour, l’organisme est toujours actif et continue de redonner espoir aux communautés urbaines qui sont confrontées à des tragédies qui paraissent souvent insurmontables.





















Un autre exemple se trouve à Portland, en Oregon, à l’intersection des rues  Belmont et Hawthorne, où l’on retrouve un des projets de réparation de la ville. La communauté du quartier s’est réunie pour peindre un tournesol géant à leur intersection. Ces initiatives réaniment un quartier en créant de nouvelles ambiances tout en redonnant un regain culturel et social.



















 

À Amsterdam, la Wikicity est un nouveau modèle de planification urbaine où chaque citoyen est appelé à repenser la ville en contribuant et en apportant son savoir et ses connaissances. Bref, les habitants prennent part à la vie de la ville : «De spectatrice, la population devient aujourd’hui actrice de son avenir» (La Netscouade, 2012).


À travers ces enjeux, tentatives et différentes expériences, on peut dégager et cerner des pistes innovatrices qui répondent ou pas à une situation donnée. Un cas typique de villes post-industrielles en Amérique est celui de Buffalo. Au cours des années 1960-70, cette ville a connu une désindustrialisation et un exode de sa communauté vers les banlieues et sa population a donc subitement chuté de moitié. La pauvreté, les tensions raciales, la spéculation immobilière, l’instabilité financière des gouvernements locaux ainsi que la criminalité sont tous des facteurs qui se sont acharnés sur elle. Cette dernière fait face à de nombreux obstacles dont plus de 40 000 maisons vides et terrains vacants ainsi que des infrastructures qui dépassent de loin les besoins de sa population actuelle. Elle tente alors de prendre des mesures énergétiques pour contenir et éliminer le fléau en établissant une base saine de réinvestissements régionaux. Ce qui est proposé dans un article de Joseph Schilling est une stratégie innovante qu’aucune ville américaine n’a testée auparavant: l’infrastructure verte. Ce modèle vise, par le biais de réserves foncières urbaines et de planifications communautaires, à établir des liens, à assembler et à organiser les terrains vacants en parcs, espaces public, sites agricoles ou jardins communautaires. De plus, il inclut une grande variété de paysages reliés par un réseau de sentiers et de voies vertes. L’idée véhiculée est qu’il serait plus judicieux de transformer les propriétés abandonnées qui resteront inexploitées pour une durée indéterminée en un réseau vert. Chaque année, le gouvernement investit des billions de dollars dans les formes traditionnelles d’infrastructures publiques afin de répondre au développement et au soutien de la ville. L’infrastructure verte est sans aucun doute un meilleur investissement à long terme pour les villes qui voient leur population diminuer. Elle présente de nombreux avantages tels que la gestion des eaux pluviales, la réduction des effets d’îlots de chaleur, l’amélioration de la qualité de vie des résidents et l’augmentation de la valeur des propriétés adjacentes pouvant aller jusqu’à 30%. De plus,  Buffalo recevra une subvention afin de pouvoir devenir un site pilote officiel, un laboratoire vivant pour l’innovation.


Il est important d’agir; on doit cesser d’attendre. Détroit est sans aucun doute un exemple poussé à l’extrême, mais il est important d’apprendre de ce tragique évènement. Nombreux sont les quartiers qui souffrent des impacts majeurs causés par la fermeture d’importants pôles industriels. Ces derniers passent d’un secteur dynamique à un quartier défavorisé et peu fréquenté.  On a qu’à penser à Montréal avec son industrie du textile, qui laisse derrière elle de nombreuses manufactures abandonnées. Heureusement, Montréal n’est pas une de ces villes mono-industrielles. Cependant, ce n’est pas le cas de Glasgow qui a connu une longue période de déclin économique avec une désindustrialisation rapide, un taux de chômage élevé et une perte démographique importante. Toutefois, elle s’en est bien sortie de par son effort pour diversifier l’économie et redynamiser en provoquant une renaissance culturelle. Elle est aujourd’hui une destination touristique et un lieu d’accueil pour les nouvelles industries.


Les stratégies de planification urbaines sont principalement axées sur des modèles de croissance et de développement. Les outils de planification globale ne manquent pas, notamment si l’on songe aux règlements de zonage et à ceux de lotissement. En ce qui a trait les outils de la planification de retrait, ils sont pratiquement inexistants.


La ville en détresse? On doit absolument se poser la question. Chaque industrie, autoroute, immeuble commercial ou lieu quelconque abandonné, qu’il soit en bon état ou non, “beau” ou “laid”, constitue un élément du tissu urbain qui entache en quelque sorte la ville. Tel qu’expliquer précédemment, ces infrastructures peuvent provoquer des effets chocs et irréversibles et c’est pourquoi tout doit être pris en considération, et ce, le plus tôt possible. Il est donc urgent d’intervenir. Raser les bâtiments semble une solution radicale qui ne devrait pas être considérée en premier lieu. Il est possible d’intervenir avec l’existant; les études le démontrent et les exemples ne manquent pas. À Bruxelles, l’agence MDW Architecture a réhabilité une ancienne savonnerie en 42 logements sociaux. À Madrid, Arturo Franco a réhabilité d’anciens abattoirs en centre culturel. On doit mettre l’accent sur l’amélioration de l’endroit lui-même plutôt que de le considérer comme un amas dysfonctionnel. C’est souvent par de petites interventions, peu coûteuses, uniques et ambitieuses comme le nettoyage de rues, les plantations de fleurs et les œuvres d’art que l’on parvient à démontrer aux résidents que le changement positif est possible. On peut alors penser qu’ils vont créer un effet domino en revitalisant petit à petit le secteur. La revigoration est donc un défi excitant qui peut redonner vie à un lieu. Voyons cela comme une opportunité pour nous, designer urbain, de développer des projets pilotes innovants afin de créer la nouvelle ville réinventée.

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Fisher Body     
http://www.marchandmeffre.com

Avant. 
http://www.artheals.org

Central Station                  

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United Theater  

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Après.      
source. http://www.artheals.org

source : c.bourgeois

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