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Biodiversité, aménagement et faible densité.

Je m’intéresse particulièrement aux impacts de l’activité humaine sur les milieux naturels. Dans un contexte de croissance et d’étalement humaine combiné avec la présence au Québec d’une grande richesse d’écosystème: le Fjord du Saguenay, l’estuaire du St-Laurent ainsi que de nombreux sites naturels sensibles situés à proximité de zone habités. J’aimerais mettre en lumière des façons de planifier le territoire et la ville afin de minimiser les impacts sur ces milieux. Je m’intéresserai principalement aux zones faiblement et moyennement urbanisées (pas de grandes villes).
Comment le développement de la périphérie de la ville peut-il tenir compte des écosystèmes sensibles? Comment peut-on combiner l’activité humaine et maintien de la biodiversité?
Des principes de trame verte, de fragmentation éco-paysagère et de corridor écologiques seront expliqués pour poser des bases à une solution.
L’exemple de l’aménagement du Golfe du Morbihan en France montrera ensuite comment les concepts théoriques peuvent s’appliquer sous forme concrète dans l’aménagement des municipalités.

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La biodiversité
Le nombre d’espèces menacés au Canada est estimé à plus de 500. Au même moment, on assiste à un accroissement de la population et un étalement toujours plus grand des villes.
Comment faire pour adapter les territoires en périphérie et établir des modèles afin de minimiser l’impact des nouveaux développements sur la biodiversité.
Les milieux naturels sont ceux qui abritent les communautés les plus diversifiées. C’est là où l’on retrouve en grande partie les espèces menacées ou vulnérables et où la présence d’espèces envahissante est la plus faible.
Cette diversité dépend de plusieurs facteurs, soit la grandeur de la zone, la complexité de la structure (ex. : présence de mousse, herbes, arbustes, arbres…), l’âge de la zone, l’absence de perturbation et la connectivité avec d’autres milieux.

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Fragmentation
La fragmentation détruit des écosystèmes en fragilisant les espèces indigènes par endogamie, consanguinité et perte de diversité génétique des populations. Cette fragilité met en péril l’intégrité des écosystèmes, peut remplacer des espèces locales (devenue fragiles) par d’autres envahissantes et amener ces espèces à l’extinction, surtout celles qui ont besoin d’un grand domaine pour survivre ou sont peu mobiles. En effet, la perte de diversité des écosystèmes favorise les espèces communes au dépend des espèces spécialisés.
La fragmentation peut être causée par des barrières physiques ou immatérielles. Ce peut être par exemple des autoroutes, routes, voies ferrées, lignes de TGV, lignes électriques, barrages hydroélectrique, zone urbanisé, intensification agricole (physique et linéaires) ou encore avec la pollution par pesticides, eutrophisant, biocides, ozone, métaux lourds, polluant organique, acidité, microclimat (température, hygrométrie), dérangement (son, lumière, odeur, électromagnétique, qualité de l’air, hauteur de la nappe phréatique)
Ces barrières n’agissent pas de la même façon pour les différentes espèces. Une autoroute peut bloquer les animaux terrestres autant que les taupes par leur sol fortement damé mais laisser passer les oiseaux.
La présence de ces infrastructures peut occasionner du stress, des perturbations dans le comportement, d’évitement des populations, de blocage physique ou carrément les écraser (roadkill).
Les routes ont également un effet de microclimat local inhospitalier. Elles ont un effet desséchant (2 à 3 fois moins d’humidité), de plus la disparition de la bande de rosé à ses abords peut atteindre 40m. De plus, sa variation brusque de la température peut empêcher certain animaux de la traverser.
Le traitement au sol des routes est donc capital. Ce peut être un sol moins damé, moins minéral, plus poreux (pour réduire la perte de rosée et les variations de températures)
La présence de terre-plein planté de végétaux (central et en bordure) peut également aider à réduire les variations hygrométriques et thermiques.
Plusieurs moyens peuvent permettent de lier les espaces naturels. Les tunnels, viaducs, tunnels écologiques, routes moins artificielles, écoducs (batrachoduc par exemple), bocages, zones non construites, vallées, ruisseaux constitue des exemples de corridors afin de permettent aux animaux et végétaux de se disperser.
Tous les animaux n’ont pas la même taille, la même vitesse, et la même propension à s’éloigner de son habitat d’origine. De plus, certains élément linéaires sont des corridors pour certaines espèces mais sont des barrières pour d’autres.
La distance entre fragments est un élément important de la théorie du modèle de l'insularisation. Cependant, selon Forman & Godron (1986) ils seront grandement influencés selon la nature de la matrice (le milieu qui sépare les îlots est plus ou moins "hostile" aux espèces insularisées), les habitats qu'elle abrite (parfois des habitats de substitutions), le degré de similarité entre les îlots, des essences de peuplement, et les habitats de la matrice (proches ou au contraire très "opposés" et finalement l'intensité, les dates, le mode de gestion et les types d'activités humaines qui s'y déroulent.
Bien sûr, le travail cartographique nécessite aussi une partie de récolte de donnée sur les espèces (démographie, déplacements) afin de bien comprendre les mécanismes et l’efficacité réel des intentions.

 

Effet de bordure
La proximité des activités humaines a pour conséquence de perturber le fonctionnement des écosystèmes. Ces perturbations s’effectuent de manière plus forte à proximité d’interventions humaine, c’est ce qu’on appelle l’effet de bordure. Ranney (1981), puis Matlack (1993), ont démontrés que ces effets de lisières sont mesurables dans les forêts nord-américaines fragmentées sur 15 à 240 mètres, selon les espèces animales et végétales étudiées.
Ceci étant dit, une certaine biodiversité peut se retrouver en ville, par contre, il est clair que les espèces plus sensibles ou incompatibles avec l’activité humaine (exemple : ours noirs)  ne pourront supporter l’activité humaine par sa présence, son dérangement et son effet de bordure. On peut également remarquer que peu de poches de végétation en ville ont plus de 500 mètres de diamètre. L’activité humaine affecte donc les zones laissées «naturelles» par leur seule proximité.
Ceci dit, la forme d’une zone laissée sauvage est capitale. En effet, une forme ronde ou carré va permettre de minimiser cet effet de bordure et permettre la présence d’un habitat en son centre tandis qu’une forme allonger va l’exacerber.
La présence de ces grandes taches sauvages dans un tissu peut avoir tendance à allonger les distances à parcourir. Au niveau du développement durable, le maintien de la biodiversité va en contradiction avec celui de minimiser la consommation en combustible fossiles. De plus, elle va en contradiction avec le besoin humain d’être en contact avec la nature.
Tenant compte du fait que la connectivité et la minimisation de l’effet de bordure est favorable au maintien d’une biodiversité. Il apparait qu’une structure en «taches» connecté par des «corridors» au travers d’un «matrice» peu hostile est à privilégier.

 

Exemple : le cas du Morbihan
Dans la région du Morbihan (Annexe 1), en 40 ans la population a doublée et l’espace urbanisé a vu sa surface se multiplier par 10 pour atteindre 18% du territoire.
Ces conditions mettent en péril la diversité environnementale et a pour effet de fracturer les écosystèmes. Cela a amené les autorités à préserver certaines zone de façon durable et de planifier un maillage entre les espaces préservés.
Dans un premier temps, 26 type de milieux ont étés identifiés et cartographié avec des SIG (Annexe 2A). Ensuite, les réseaux écologiques: bocages (Annexe 2B) et milieux humides (Annexe 3A) (prairie humide, boisement hydrophiles)) ont été incorporés.

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​Pour ce qui est de la méthodologie, le travail dans différentes échelles permet d’avoir une finesse de donné et un intégration plus globale des écosystèmes. Les unités et sous-unités de paysage ont été identifié à l’échelle 1 :100 000 (échelle infrarégionale). Le maillage bocager a été déterminé à l’échelle de mailles de 500m x 500m. L’affinage des corridors, lui s’est fait à l’échelle 1 :25 000 (échelle locale).
Dans un premier temps, un politique de densification pour contenir l’étalement et maintenir à 20% la surface urbanisé dans le 30 prochaines années. La consolidation de noyaux dans un développement polycentrique centré sur plusieurs villes a autant pour effet de permettre un accès à pied aux services de proximité que de permettre aux corridors de contourner les zone construites.
Par la suite, quatre grand types de corridors ont été déterminés (Annexe 3B): les corridors de fonds de vallée (végétation de rive, prairie humide, plan d’eau), les corridors en milieux tidaux (en aval), les corridors en milieu boisés (différents types de boisés, fourrés et landes) et les corridors en milieux bocagers.

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Des corridors fragilisés ou coupés par l’urbanisation, les infrastructures, le nivellement, le remblaiement, le déboisement ou le drainage ont été ciblés. Le but étant d’avoir une continuité entre les milieux terrestres et maritimes. Le plan d’occupation des sols a été modifié (Annexe 4A et 4B) afin de permettre un maillage des zones naturelles.
À une échelle plus fine, il est arrivé que du bâti se trouve au beau milieu d’un corridor écologique fragilisé. Un travail sur le zonage a été fait par rapport au clôturage (naturel et sans grillages) et la localisation de jardins vers le corridor écologique.

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Dans toute l’intervention, une grande importance a été portée sur la cartographie, l’échelle territoriale (donc le décloisonnement des zones), une approche tournée sur le fonctionnement global plutôt que des fractions. Les corridors, symbolisés par des traits ne doivent pas être considéré comme un zonage et un cadre légal mais comme une intention afin de permettre l’échange entre les différentes zone. L’intervention doit autant inclure une affectation des sols (zones naturelles ou agricole permanente), de la conception des infrastructures (emplacement, porosité, impact), des recommandations au sujet de propriétaires (ajout de bocage, absence de clôture créant une barrière) que d’études précises au sujet des populations.

 

Conclusion
L’ère de l’information, des SIG et des traitements de donnée permet une meilleure gestion que dans le passé. Depuis le début de l’écologie du paysage en 1939 par Carl Troll, beaucoup de progrès ont été faits et permettent une meilleure réalisation des concepts théoriques.
Au Québec, certains développements résidentiels ont laissé de nombreuses poches naturelles (Annexe 5B). Une de leur plus grande lacune au niveau de la biodiversité est leur insularité. Un travail semblable à celui du Golf du Morbihan ou de Grenoble (Annexe 5A) pourrait être effectué.

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​Il est évident que les milieux ceinturés par de l’habitat humain ne seront pas les même que s’ils étaient restés intouchés. Par contre, une attention à leur biodiversité permettra une plus grande résilience et variété.
Les trames vertes et la dématérialisation des activités par les technologies numériques pourrait-elle faire de la ville diffuse une ville durable? Il semble un peu naïf d’y penser car il a été prouvé que les technologies de l’information font en fait augmenter la demande en transport et n’enlèvent pas le besoin de rencontres interpersonnelles. Ces transports lourds sont un des principaux vecteurs de dérangement et de coupure dans les trames vertes.
D’un côté la concentration des activités peut permettre de préserver des espaces naturels en contenant l’étalement urbain. Par contre, cela ne conviendra pas à tous. Même les urbains ont tendance à posséder un chalet, implanté précisément dans des zones sensibles car encore peu touchés par l’urbanité (c’est la base même du concept de chalet : être loin de la ville).
On peut proposer une mode de vie durable dans la ville dense mais ce style de vie ne rejoint pas les aspirations de tous. Selon l’étude des préférences résidentielles des habitants de la CMQ de Carole Després (2012), 45% des gens prévoyant déménager dans les 5 prochaines années ont l’intention d’aller en banlieu.
Les zones peu densément peuplé vont continuer d’exister, poussé par ce désir d’être en contact avec la nature. Autant en profiter pour repenser ces cité-jardins (pensé comme zones proches de la nature mais ayant été artificialisé par l’étalement des banlieues) et minimise l’impact sur l’environnement.
Après tout, pourquoi vouloir protéger quelque chose que nous ne connaissons pas et dont nous ne profitons pas? Ce lien avec la biodiversité est déjà la clef de voûte d’une sensibilisation à grande échelle et d’une participation du citoyen dans la préservation des écosystèmes. Il ne reste qu’apprendre à cohabiter. 


Bibliographie

BERGÈS, Laurent. ROCHE, Philip. AVON, Catherine. Corridors écologiques et conservation de la biodiversité, intérêts et limites pour la mise en place de la Trame verte et bleue

Syndicat Intercommunal d’Aménagement du golfe du Morbihan. Corridors écologiques du territoire du projet de Parc Naturel Régionnal du Golfe du Morbihan – Traduction dans les plans locaux d’urbanisme. 2004

CLERGEAU, Philippe. DÉSIRÉ, Guy. Biodiversité, paysage et aménagement: du corridor à la zone de connection biologique. Mappemonde, catalogue 55, mars 1999.

PEZET-KUHN, Murielle, LEBRUN, Marie. Pour un aménagement du territoire intégrant et valorisant les corridors écologiques dans la vallée du Grésivaudan – Diagnostic et proposition d’actions. No 06-009, Mars 2006

IJ

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